A peine
Lui restait-il quelques graines
Mil, sorgho, maïs, arachide
Pas vu passer la saison humide
Elle les avait oubliés
Comme les buissons ils séchaient sur pieds
Ses enfants, sa femme, lui, ses voisins
Plus de grain, plus de pain.
A peine
Lui restait-il quelques graines
Dans la poussière a creusé une veine
Délicatement y a disposé son trésor
L’a recouvert comme un enfant qu’on endort.
A chanté pour le dieu des semailles
Pour celui des pluies en bataille.
Seuls ses yeux s’épanchaient en averses
Qui peinaient à faire germer les graines.
Sans haine
Il a hurlé pour que fuient les sauterelles
Il a prié pour qu’une étincelle
Déclenche un petit déluge un orage
La poule blanche en gage
A saigné au-dessus du fin sillon
Qui s’étirait entre deux bâtons.
Mais les graines assourdies de chaleur
Ne s’abreuvent pas de pleurs
Ne cèdent pas aux lamentations.
Sa peine
Il a ravalé pris la piste marché marché
La chaleur du désert le suivait
Pas à pas. Il a couru s’est essoufflé
Les plans de mil carbonisés
A ses talons s’agrippaient
Ne le lâchaient pas.
La faim sur son dos a bondi
A ses épaules s’est accrochée
Epuisé il a plongé
L’haleine
Des rivières taries l’a rattrapé
A une rame inespérée il s’est accroché
Comme un Moïse sauvé des eaux
S’est retrouvé sur un bateau.
De l’autre côté certains lui ont tourné l’dos
Il a ramé, galéré, il a marché couru sauté
Mais à Calais il a calé même reculé :
La jungle l’avait précédé.
Le vrai refuge dont il rêvait
Etait- il loin ? Où le trouver ?
Ils ont chanté.