Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La cathédrale......c'est déjà loin!

La cathédrale......c'est déjà loin!

A LA BRASSERIE PLUTON

A la Brasserie Pluton trônent des femmes mûres vêtues de barboteuses d’où s’échappent de plantureuses cuisses qui mollement viennent s’écraser sur la vannerie de fils  plastiques tendue sur la tubulure métallique des fauteuils de la terrasse. Leurs mains s’agrippent à des téléphones portables qui jamais n’ont le temps de souffler ni de refroidir. Elles ne disent mot, pas plus que leur interlocuteur, en général un homme qui a son bel âge derrière lui. Le coude sur la table, le poing fermé devant une bouche aux lèvres serrées où ne perle pas même le préfixe d’un mot, l’émanation d’une envie, d’un désir.

Mon voisin est seul, qu’il ne dise rien est normal, pour tromper sa solitude il papote en tapotant son écran, ne se soucie guère du fanion d’or perché sur le clocher de la cathédrale Saint-Etienne qui flambe dans les derniers éclats du soleil couchant.

La voisine en barboteuse et son compagnon taiseux ont été rejoints par un fils pas plus bavard qu’eux, qui cependant meuble le silence en écrivant. Il a le nez de son père, enfin, est-ce vraiment son père. Et les sourcils de sa mère, le père a pris la direction des toilettes et la mère parle au garçon, est-ce son fils ? Le fanion d’or de la cathédrale s’est éteint, au coin de la terrasse un faux cornet de glace à trois boules, orange, crème et jaune vif, en vrai plastique, environ un mètre trente de hauteur, s’efforce de combler le vide, les coins sont toujours difficiles à meubler et là c’est raté.

Un couple de femmes quittent la terrasse peut-être en raison de la laideur du cornet de glace, l’une, la femme, pas la boule, moulée dans une robe fort décolletée arbore le hâle prononcé d’une fin d’été très ensoleillé, ressemble à un cornet à deux boules, parfum chocolat; l’autre coulée dans une tenue de cuir noir marche en tête l’air martial. Le jeune homme de la table voisine continue d’écrire, ses parents, mais sont-ils ses parents, ont disparu. La mère a-t-elle rejoint son homme aux toilettes ? Les voici qui réapparaissent, je remarque pour la première fois que la femme pour faciliter ses déplacements s’appuie sur une canne. L’histoire d’une vie se précise, pas facile de rester mince quand on a du mal à marcher, à courir.

Au-dessus du pinacle le ciel,  les traînées de vapeur des avions rosissent et s’effilochent dans le vent du soir, enfin s’effacent. C’est la fête de la Mirabelle, la chanteuse est augmentée d’une généreuse sonorisation électronique, le centre ville se noie sous le flot lourd de ses graves. Par trois fois sans aucun respect du rythme une guêpe a tourné autour de mon verre  dont la bière bien fraîche fait la coquette, drapée dans une mousseline de buée. Luttant contre les décibels, je me suis distraite d’un nouveau jeu : tenter de créer des paires avec d’un côté les conversations qui me parviennent et de l’autre la gestuelle plus ou moins exubérante qui les accompagne, pour les illustrer ? les ponctuer ? ou remplacer les syllabes qui se noient dans la blues-rock-pop salade de la chanteuse et de son groupe ? Au bout d’une heure il me sembla avoir fait quelques progrès.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :