TEMPO DE TOURTERELLE
Dans l’allée la tourterelle
Découpe le temps en rondelles
Pas une fois elle ne décale
Insatiable scie musicale.
Tourterell’, ma toute belle,
La guillotine des temps bleus
Tu débites les heures frêles
Avec l’indifférence des dieux.
Tout se joue dans le lointain
De cette allée verte qui mène
Vers le monde et ses festins
Ses rois, ses reines, ses pantins
Tout se joue main dans la main,
Dans une conviviale proximité
Tout se joue main dans la main.
VIGNES ET COLLINES
Dans ton pays
Tout vient des collines et des vignes
La verdure
Foisonnante et domptée
Le vin
Fougueux et bonifié
Les maisons
Aux porches voraces et généreux.
Dans ton pays
Tout vient des collines et des vignes
Les nuages
Ombreux lumineux
Le silence ondoyant
Le monologue monotone des enjambeurs
Les hommes
Tout en muscles, en proie au doute.
Dans ton pays
Tout vient des collines et des vignes.
Le clocher
Idyllique et austère
Et les nuits orgiaques
Et l'amour
Fidèle voluptueux des femmes
L'oraison apaisante des abeilles
Le sommeil sacré
Du vin au fond des caves
Des cadolles et des terres agrippées au ciel.
Dans ton pays
Tout vient des collines et des vignes.
Les fêtes à mourir
Jusqu'à l'aube trop pâle
Le calice et la lie
Et les cheveux blanchis par le givre tardif
Et la grêle implacable
Les pierres du cimetière
Comme des barques perdues sur le brouillard d'octobre.
Tout vient des collines et des vignes
Dans ton pays.
L’APPEL DE L’AZUR
Je pris la route.
Très vite il me sembla qu’elle
Me conduirait vers le ciel
Dont les invisibles ventouses
S’abouchaient à chacun
De mes pores, inoculant l’infinitif azur
Jusqu’à la pointe de chacun
De mes cheveux blanchis de trop de soleil.
Vers le ciel qui comme l’oiseau bleu
Surgissait entre deux collines, entre deux
Toits, entre les frondaisons des arbres le long des routes courant à ma rencontre.
Lorsqu’il n’y avait plus ni toits ni collines ni arbres le ciel
Me hissait vers lui avec la force d’un courant ascensionnel.
Des bancs de nuages, blonds blancs gris,
Avaient beau transformer son immensité en lacs
Lagunes marais flaques,
Il conservait sa puissance d’attraction et finissait
Par reconquérir pied à pied son territoire.
Même quand le soleil n’était
Plus qu’un morceau de beurre mollet
Divagant sur le miroir
D’une immense poêle à frire,
Une écume radieuse continuait ça et là d’écrire
L’histoire de son existence.
De cette possible existence de l’azur
Qui suffisait à mobiliser le désir.